Héritière d’origines amazighes (kabyles et tunisiennes) de troisième génération, de langues et de terres qui me sont étrangères, de traditions oubliées et d’histoires qu’il m’a fallu réapprendre car invisibilisées, mes oeuvres s’amorcent comme une reconquête personnelle visant à recoller les fragments d’une mémoire collective. J’interroge cette post-mémoire en créant des œuvres qui agissent comme des activations mnésiques et permettent de réécrire des identités complexes en questionnant la non-transmission culturelle dans un acte de réparation et de soin.
La pluridisciplinarité de ma pratique tâche d’échapper à toute taxonomie ; ce sont les idées qui vont guider la forme du médium qui oscille entre peinture, sculpture, installation, écriture, dispositif ou vidéo. À partir de recherches, de collectes et d’enquêtes, mon processus s’établit par une accumulation d’images d’archives, de souvenirs, d’objets et de micro-récits. L’hybridité de ces contre-archives visuelles, sonores, olfactives, gustatives ou tactiles s’activent toujours par l’intervention du public (lecture d’une notice qui prend la forme d’une formule magique, dégustation ou autre dispositif participatif).
À travers une relecture écoféministe et décoloniale des mythologies ancestrales qui font vivre nos territoires, j’explore les inter-mondes habités par les invisibles et non-humainx pour questionner notre rapport au vivant au-delà du visible et de ses systèmes d’oppression et d’exploitation.
La recherche-création sur laquelle je travaille actuellement à l’Université Paris VIII, sous la direction du théoricien et curateur Aliocha Imhoff, participe à la réécriture de nos imaginaires contemporains pour penser avec les invisibles et créer de nouveaux espaces diasporiques où penser une histoire des communs.
Les expérimentations à poursuivre permettront de développer pour se reconnecter (à travers une pluri-sensorialité) à des mythes et histoires perdues permettant ainsi la création de contre-récits. Cette mémoire artificielle et hétérotopique produit ainsi des archéologies du futur et souvenirs anachroniques et participe à l’écriture d’une nouvelle histoire entre vivants.
Anysia Nefissi, Septembre 2025