Les objets occupent une place singulière dans ma démarche et dans mon rapport au monde. Ils sont les témoins de mémoires invisibles. En les collectant, les détournant ou les réactivant, des histoires se déplient. Les objets de famille ne sont jamais seulement que des objets de famille. Ils portent en eux tout un monde passé et deviennent parfois le relais entre le visible et l’invisible. À travers eux, ma pratique s’immisce dans les interstices, dans les espaces où ces mondes du visible et de l’invisible s’entrecroisent.

Les tables tournantes

“Qu’est ce qu’elle aime les babioles et fouiner.” Depuis que je suis enfant, c’est ma réputation. J’ai toujours aimé les vieilleries, les vides greniers en Bretagne pendant les vacances d’été mais aussi et surtout, découvrir les histoires qui vivent à travers ces objets. En général, cela se passait vers la Toussaint dans la maison de ma grand-mère en Bretagne. Elle sortait pochettes et albums photos, anciennes boîtes de gâteaux en fer remplies de photos ou vieilles boîtes de cigares remplies de pièces anciennes.

Chaque photographie allait de main en main et s’accompagnait de commentaires : “Tu te souviens de ce jour?” On se souvenait ainsi collectivement d’instants perdus, de membres de la famille dont on invoquait le nom comme pour raviver leurs présences. Chacun.e participait à recomposer le puzzle des fragments de vie flous ou oubliés. Les albums défilaient ainsi et je découvrais des visages inconnus, des noms et des histoires d’un autre temps.